La musique creuse le temps : une approche de l’émotion en musique
Michel IMBERTY
Philosophe, Musicologue et Psychologue. Président Honoraire de l'Université de Paris X-Nanterre. Professeur et directeur de Psychomuse, Centre de Recherche en Psychologie et Musicologie Systématique
Service Culturel d'Egypte
111 bd St-Michel 75005 Paris
Jeudi 24 janvier 2008
à partir de 19h
Le problème dont je voudrais parler ici, est celui d’un paradoxe propre au XX° siècle : le rejet – apparent – dans les œuvres, de la continuité et de la linéarité de l’expérience du temps vécu et des émotions profondes qu’elle véhicule comme fondement psychologique de la musique en occident. Or nous savons aujourd’hui par la neurobiologie que la musique « nous est naturelle » - comme le disait Rameau – et qu’elle constitue l’expression artistique majeure de capacités humaines fondamentales à la communication et à l’interaction avec les autres. En particulier, il est possible d’émettre l’hypothèse que l’organisation cérébrale de la mémoire est de nature « narrative », c’est-à-dire basée sur une mise en ordre linéaire et directionnelle du temps et des événements qu’elle contient, et qu’elle peut à tout moment les dérouler sous forme de « proto-récits » faits d’images, de sensations, de souvenirs, d’émotions et de sentiments non encore verbalisés et parfois non verbalisables.
Or, nous sortons à peine de l’une des crises les plus profondes de notre langage musical : avec l’effondrement de la tonalité, la discontinuité du discours, la fragmentation du temps et de la durée en instants éparpillés et sans liens au sein de trames musicales détissées, caractérisent les œuvres les plus abouties du sérialisme et de ses dissidences, et donnent souvent l’impression que le compositeur, lui-même désemparé devant les exigences et les contradictions techniques, esthétiques, psychologiques et sociales de la création, n’a plus rien à communiquer ou exprimer, en sorte que l’œuvre, pur système combinatoire formel, ne fait plus sens ni pour lui ni pour son public. S’interroger sur la perte de ce sens que manifeste une sorte de « dé-narrativisation » du temps musical, revient à se poser sans doute les questions les plus récurrentes de la philosophie de l’après-guerre sur les rapports de l’homme avec lui-même au travers de la culture et de la société.
La psychanalyse en fin de compte pourra apparaître comme une clé de lecture possible de ces évolutions, et du retournement que l’on peut observer dans le dernier quart du XX° siècle où l’émotion revient en force en musique. Cette clé, nous la trouverons peut-être dans l’œuvre de Didier Anzieu et l’opposition entre Narcisse (le miroir visuel, l’espace) et Echo (le miroir sonore, la voix, le temps).
De nombreux compositeurs seront évoqués, parmi lesquels Wagner, Debussy, Schoenberg, Berio, Boulez.
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Texte de présentation rédigé par Michel Imberty
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